Ma participation au dyptique d'Akynou

Publié le par Dom

C'est les soldes dans les magasins, je ne peux plus rien y acquérir, alors je vais me faire un petit plaisir car c'est aussi la grande braderie chez Akynou.
Principe habituel : Bafouiller sur une image ou barbouiller un texte avec une photo.
Sauf que là vous avez le droit de participer sur l'ensemble du dyptique d'hiver.
Courez, courez et vous ne serez pas déçus là (rien à voir avec le top pas cher mais déjà lacéré par 30 mains avides !)


Magnifique photo de Joël Zobel


Lui et moi.

Me voilà encore une fois devant ce miroir dans une loge. Malgré la célébrité je ne laisse à personne le soin de faire cette étape essentielle, me donner le masque d'un autre, me poser sur le visage le personnage qui m'habitera. Qu'est-ce qui a donc changé depuis le temps, celui des MJC, des salles obscures, des pauvres éclats de moi contemplé dans les toilettes d'un bar payant au lance pierre ? C'est là que je me le demande, c'est pendant ce moment de solitude courageusement arraché aux caméras, aux maquilleuses, au conseiller en communication, au metteur en scène... c'est là tandis que ma peau s'orne d'un fard léger puis épais que je m'interroge. Vous les connaissez toutes ces questions insolentes qui vous empêche parfois de voir au delà de l'apparence. Qui suis-je, mais qui suis-je donc.
Alors il me semble que mon lui se réveille, là dans le reflet inversé de moi.
LUI : - C'est évident, bredouille-t-il, tu as d'abord été le regard de ta mère, celui qu'elle a porté sur toi une fois sorti du ventre chaud. Milles espérances réalisées ou déçues peut être, en tous cas avant d'être toi, tu as été elle.
MOI : - Il me semble mon reflet que te voilà rejeuni. Je le connais ce regard d'amour infini, c'est celui que je porte sur la vieille dame aux cheveux d'argent qui loge dans l'appartement voisin.
LUI: - Puis tu as été lui, cet homme que tu as aimé et haï.
MOI : - Non je ne l'ai pas détesté, c'était mon père, comment l'aurais-je pu.
LUI : - Si souviens toi, tu l'as haï quand il t'a dit que tu pouvais être un moi séparé d'elle. Tu n'avais plus sur la peau le prolongement d'une autre peau, mais ces deux mains rugueuses bien qu'aimantes qui t'en ont séparées et posé dans un autre lit. Là souviens-toi, tu étais amour et haine.
MOI : - Oui maintenant je le vois dans ton regard, ce plissement, presque ces hurlements dans l'attente d'elle et petit à petit la voix qui s'épuise, le regard qui s'attarde sur ces drôles de choses qui s'agitent devant les yeux.
LUI : - Tu l'as haï puis aimé car il t'a aidé à voir où ton corps s'arrêtait et où le sien commençait. Puis tu as été lui car elle l'aimait. Tu as été le petit homme de la famille. Courageux, fort, criant plutôt que pleurant, tu l'as singé pour te rendre aussi aimé. Puis tu as compris que cet espoir était impossible. Après la rage du renoncement, tu as tout rejeté et cette fois-ci tu pouvais vraiment être enfin une et même personne : toi.
MOI : - Et pourtant j'ai eu peur, une peur panique. Si je ne pouvais être l'objet unique de l'amour de ma mère, comment le pourrais-je d'une autre femme ?
LUI : - C'est là que tu as eu besoin d'être multiple. C'est pourquoi aujourd'hui avec tant d'application tu te peins le visage de Roméo, de Hamlet ou de Léandre. Tu as peur d'être toi parce qu'il n'y en a qu'un. Alors tu es multiple pour plaire à la vie. Mais où es-tu, où es-tu, où es tu toi, pantin vide et desséché ?

Et c'est toujours là que je crie, que je pleure, que je lui dis de se taire pour ne pas entendre la douleur qui surgit. Ce grand vide que je ressens, qu'il faut que je comble. Il n'est plus que le reflet de mon visage, tout est à refaire. Cette fois-ci plus de questions, je prends le coton et j'efface le désordre de ce moi absent. Vite, vite je plaque sur mes joues, sur mes regards le lourd fond coloré qui fera de moi celui que l'on aime, que l'on regarde, que l'on admire. Non pas, l'acteur inexpressif des fins de soirées tristes à regarder la vie qui s'écoule comme un spectateur perdu. Je sens revivre en moi la force de Puck, facétieux petit elfe du Songe d'une nuit d'été. Sa joie du tour qu'il va jouer aux amoureux perdus le rend tellement attachant. Voilà que je m'aime à me regarder sans fin.

Publié dans Atelier d'écriture

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