Ecole dans le désert

Publié le par Dom

Nous avions décidé aujourd'hui de nous rendre sur la route de Demnat pour voir les magnifiques ksar en ruine dans les oasis. C'est dans un village rejoint par une piste que nous avons trouvé : Vente de tapis, association de lutte contre analphabétisme. Le concept : école-atelier.

A peine sortis de la voiture, j'avais perdu notre fille, ne nous attendant pas un seul instant, elle était à l'intérieur et j'en apercevais juste le chapeau rose en paille. Nous entrâmes dans une pièce de dix pas de longueur sur quatre pas en largeur. Il n'y faisait pas chaud, sur la gauche deux femmes étaient assises devant un métier à tisser et je n'ai tout d'abord remarqué que ce coin. Elles nouaient en parlant des morceaux de tissu sur la trame tendue. Des fillettes nous entouraient en souriant. D'autres femmes debout ainsi qu'une dame enceinte parlaient arabe avec animation à Alter Ego et sa Grand-mère. Ma fille échangeait avec les autres enfants en riant (le langage de l'enfance est universel). La jeune femme épanouie au ventre arrondi, s'est précipitée sur notre bébé pour le caresser et l'embrasser. En vrai sauvage, notre petit blondinet a râlé en s'aggripant au prolongement de lui-même : c'est à dire moi ! Puis Alter Ego m'a tapoté l'épaule : "Tu as vu", m'a-t-il dit, "c'est l'école".

Dans la partie droite deux bances accolés, un tableau noir de petite taille sous lequel était posé un troisième banc (l'estrade). Dessus étaient jetés des manuels en fort mauvais état, déchirés, dont il manquait les couvertures et griffonés, quelques craies usées, de celles que l'on jette dans nos pays parce qu'elles usent les doigts. Ma fille a regardé cette école dénudée, repensant sans doute à la visite de son école élémentaire, fastueuse, abritant une classe inutilisée et une salle de danse tout en parquet. Le choc du trop plein comparé à cet étroit espace. Une petite fille trace en majuscule son prénom. Alter Ego l'écrit en arabe ainsi que le sien dans les deux langues. Puis l'enfant, vive et malicieuse, nous montre fièrement qu'elle sait lire dans le manuel de CE1 délabré, quelques phrases avec une voix douce, que les tempêtes n'ont pas encore érodées. Car il faut entendre la voix du Sud, écaillée, rauque, celle du soleil et du sable projeté avec violence. Celle de ceux qui affrontent chaque jour ce climat inhospitalier qu'ils ne quitteraient pas et dont ils parlent avec fierté. Les hommes du village font une courte apparition pour nous proposer un thé déjà décliné aux femmes, nous devons vite repartir, le soleil commence sa lente disparition. Nous les quittons, ils nous parlent de leurs besoins criants. J'ai décidé de parler de cette école à mes élèves, de préparer une action pour leur envoyer le nécessaire. Mais c'est une goutte d'eau, une goutte d'eau dans cet océan de misère. Notre fille repart dans le confort de la voiture climatisée emportant dans son coeur le sourire de cette enfant qui agitait la main avec tant d'affection et au fond de son regard l'empreinte du dénuement.

Et au fond de ce village du Sud, l'accueil chaleureux des Marocains, qui ne vous laisseraient pas à leur porte sans vous offrir un thé (à bon entendeur salut !).

Publié dans Au jour le jour

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